jeudi 25 mars 2010

Shutter Island - Martin Scorsese


Le cinéaste aux allures de vieux mafioso New-yorkais nous démontre une nouvelle fois qu’il sait y faire en matière de films policier, avec Shutter Island, un thriller psychologique de premier ordre.

Teddy Daniels (Leonardo Di Caprio) est envoyé sur une île isolée au large de Boston qui abrite un asile psychiatrique pour enquêter sur une étrange disparition. Mais le jeune détective est forcé de se plier au règlement interne et se retrouve bien vite avec de nombreux bâtons dans les roues. On sent dès le départ que tout n’est pas très net sur cette île et notamment dans le bloc C, ancien fort interdit d’accès où sont enfermés les malades les plus dangereux… L’île se transforme en parfaite dystopie.


En adaptant un roman de Dennis Lehane, Scorsese n’avait pas le droit à l’erreur puisque la plume de l’écrivain avait déjà fait ses preuves à l’écran avec Mystic River, mis en images par Clint Eastwood en 2002. Ce nouveau best-seller offrait cependant une intrigue plus complexe, avec de nombreux rebondissements et une surprise finale qui convient parfaitement bien au médium cinématographique, idéal pour donner vie aux fantômes et autres mondes parallèles. Encore fallait-il une patte de maître pour le mettre en scène, et c’est chose faite en la personne de Scorsese qui semble bel et bien avoir retrouvé la main depuis les Inflitrés après un petit passage à vide (Gangs of New York, Aviator). En effet, le cinéaste apporte la profondeur psychologique qu’on lui connaissait depuis Taxi Driver et une dimension onirique plus étonnante de sa part, deux éléments trop souvent bâclés dans ce genre de grosses productions hollywoodiennes. Une musique grinçante vient habilement souligner l’action et déranger le spectateur trop bien assis dans son fauteuil. Quant à Di Caprio, il s’en sort plutôt bien, et apparait au fil du temps comme le nouvel acteur fétiche de Scorsese, après Robert de Niro.

L’île des morts de Arnold Böcklin semble avoir passablement inspiré Scorsese pour son film. Dans les deux œuvres, une île mystérieuse entourée de falaises sert de décor. Le tableau de l’artiste symboliste allemand aurait été commandé par une femme qui n’arrivait pas à faire le deuil de son mari, pour qu’elle puisse enfin le laisser rejoindre « l’île des morts ». Or, le personnage principal du film est justement hanté par le spectre de sa défunte femme dont il n’arrive pas à se défaire. De plus, celui-ci revient d’Europe où il a participé à la libération de camps de concentration, et il se trouve que, de l’autre côté, la toile aurait appartenu à Adolf Hitler. Intriguant.

La psychose qui entoure le personnage principal n’est certes pas très innovante (Fight Club, The Machinist, Donnie Darko), mais fonctionne toujours aussi bien à l’écran. On ne sait plus qui croire, y compris le film lui-même. La thématique de l’enfermement se révèle peut-être plus percutante, avec un double isolement (une île inaccessible et un hôpital qui a tout d’une prison) en un endroit qui n’obéit plus tout à fait aux règles si chères à la démocratie américaine, une sorte de Guantanamo fictif en somme. À noter également que l’action se déroule dans les années 50, époque des fameuses lobotomies, thème lui-aussi éculé mais fascinant (Vol au dessus d’un nid de coucou, Titticut Follies). On a enfin un personnage hanté par son expérience lors de la seconde Guerre Mondiale à coups de flash-back où l’on aperçoit des camps de concentration et des SS à l’agonie. On remarque au passage que les nazis sont définitivement à la mode au cinéma (La rafle, Valkyrie, The Reader, Inglorious Basterds, OSS 117).

On l’a dit, Shutter Island relève un tantinet du déjà-vu, mais n’en reste pas moins un grand film à l’atmosphère prenante dont la fin donnerait presque envie de revoir le film pour mieux en apprécier tout les détails sous un œil nouveau.

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