lundi 16 août 2010

Festival international du film de Locarno 2010


Du 4 au 14 août 2010, l’éblouissante ville de Locarno accueillait pour la 63ème fois son désormais fameux festival du film. Moins people que Cannes, situé dans un cadre plus idyllique que la grisonnante Berlinale, le festival au léopard d’or est devenu au fil des années un rendez-vous incontournable des cinéphiles, tout en s’efforçant de rester ouvert au public. En outre, la section pardi di domani offre aux plus jeunes réalisateurs la chance de faire connaître leurs premiers métrages au public et à la critique.
En journaliste avisé, votre intrépide chroniqueur a chaussé ses lunettes de soleil pour prendre la température caniculaire d’une ambiance surchauffée, oubliant parfois l’essentiel…


Palmiers, cinéma et soleil : il soufflait comme un vent de Croisette sur les rives du lac Majeur en ce début d’après-midi, quand je décidai de piquer une tête pour me sortir de la torpeur du voyage. O sole mio !

J’étais parti le matin-même, sur un coup de tête, histoire de changer d’air et de rentabiliser un peu mon AG. Je n’avais pris qu’un pull, un couteau, une canette de 1664 pour la forme et un Kerouac pour le trajet, fourrés à la va-vite dans un sac à dos qui me servirait d’oreiller pour dormir à la belle étoile. Et me voilà on the road, sautant dans le train de 8h27, un sandwich sous le bras, tel un vagabond solitaire en voie de disparition, parti en grande vadrouille, fonçant vers l’inconnu, into the wild. En chemin, je traverse des montagnes de plus en plus escarpées, le long des rails qui surplombent des torrents argentés, avant que les défilés rocheux ne plongent brusquement dans un lac de velours, parachevant ce paysage de carte postale, tandis que les freins crissent à l’arrivée en gare. Nous voici à Locarno, et c’est comme au cinéma : architecture du sud, avec ses façades couleurs pastels, ses colonnes toscanes, ses trompe-l’œil, et ses petites ruelles cachées qui donnent sur des patios ombragés à la végétation luxuriante. Une terre de Cocagne dallée de pavés rouge. Manifestement, le Tessin, ce n’est plus vraiment la Suisse, on dirait le sud, ça ressemble à la Louisiane. L’endroit rêvé pour charmer une James Bond girl !, je me disais en arpentant la jetée (de Chris Marker).

Après un petit tour de reconnaissance en cow-boy solitaire, j’ai passé un coup de fil à des potes qui étaient sur place depuis la veille, et on s’est rendus sur la Piazza Grande, magistralement blanchie par l’immense écran qui la domine le temps du festival. On y a mangé des myrtilles et de la pastèque assis sur les pavés, comme des hippies un peu originaux. Et puis on a acheté des bières, du vin blanc, du pain et du fromage et on a englouti sereinement ce festin de bohème au bord du lac, une guitare à la main, insouciants, à la lueur violette du crépuscule.

Et soudain, les choses se sont emballées. Las de jouer les babas cools, on s’est incrustés, comme la rouille sur la fausse argenterie de ta grand-mère, dans une soirée VIP. – Comment ? Hé, attend un peu, tu crois quoi ? Un  magicien ne divulgue pas tous ses trucs au premier venu, et j’ai plus d’un tour dans mon sac à dos, en plus des éléments susmentionnés. Si bien que je laisse ta pauvre imagination trop souvent en berne faire la besogne à ma place, et peu importe si t’es à côté de la plaque, tout ceci n’est que littérature finalement.
Enfin bref, on s’est trémoussés un moment parmi les invités, et j’ai vu Nathan Hofstetter, dit clip-man, brillant réalisateur, un peu sur le déclin depuis que je ne tiens plus les premiers rôles dans ses courts-métrages, tu m'étonnes ! Ensuite on a mis les voiles vers une garden-party un peu classos, où on s’est fait passer pour de jeunes réalisateurs talentueux (j'ai un petit air de Xavier Dolan) pour aborder une Américaine qui tentait de chouraver un écran plat. Dans la discussion, elle a très justement surnommé George Luke Skywalker, tandis que j’héritais du rôle de Han Solo. J’ai aussi croisé une prof de l’uni, mais tout ça je doute que ça te passionne, alors j’en viens à la suite : la boîte a fermée. Alors, le mot a couru comme quoi il y avait une after à l’hôtel du Belvédère. Ça sentait le plan foireux à des kilomètres, mais j’étais trop pété pour ne pas monter dans le taxi qui s’offrait à moi.
Arrivés sur les hauteurs de la ville endormie, comme je m’en doutais, on a trouvé que dalle, excepté un vigile qui nous a poliment invités à dégager voie 12. C’est là qu’une jeune fille a eu la bonne idée de se mettre en sous-vêtement, tout en nous enjoignant de faire de même. Bref, ça partait sérieusement en cacahuète, et je commençais à me demander ce que je foutais là.
Et le Messie est arrivé. Boris, il a dit qu’il s’appelait. Il avait une bonne gueule, je trouvais, et il a dû penser la même chose de moi (ce qui prouve qu’il avait bon goût), puisque il a déclaré qu’on avait l’air sympatoche et que par conséquent il nous conviait à une after (la fameuse!), qui avait lieu, tiens-toi bien à ton clavier, dans la chambre 308, c’est-à-dire celle d’Olivier père, le directeur artistique du festival, rien que ça. Dans ces conditions, t’imagine bien qu’on s’est pas fait prier pour le suivre, souriant au passage au vigile à la mine déconfite.


L'hôtel Belvédère, the place to be.

Comme dans un film de David Lynch, on s’est retrouvés serrés dans une grande chambre double sans comprendre grand-chose à ce qui nous arrivait. Pour décrire un peu plus la scène, il y avait parmi la foule une bande de jeunes étudiants d’art gays comme des pinsons, deux types à barbe et chemise à carreaux, et le Père du festoche, entouré de deux-trois amis, un genre de Buffalo Bill et une belle brune un peu grande gueule. Les gens riaient, une cigarette dans la main qui ne tenait pas leur coupe de champagne, dans une ambiance bon enfant, pendant qu’un pote piquait dans la corbeille à fruit et que George tapait dans le minibar, à l’aise dans son nouveau rôle de vedette de cinéma. On est restés là un moment à discuter avec un peu tout le monde, sauf le big boss, avant qu’il ne déclare que la fête s’arrêtait là et qu’on regagne enfin le bord du lac, où on avait subtilement repéré une forêt magique formellement interdite au camping, bref, l’endroit idéal pour y planter nos vieilles tentes.
Pendant que je me brossais les dents (on ne rappellera jamais assez l’importance de l’hygiène dentaire) et que le soleil se levait à l’horizon, je laissai George monter sa tente tout seul. Mal m’en a pris ! Sous l’effet de l’alcool et de la fatigue conjugués, il avait réussi à mettre l’entrée de la toile du mauvais côté et se battait vainement pour recouvrir toutes les parties de la moustiquaire, incapable de planter correctement la moindre sardine. De guerre lasse, on s’est finalement roulés à l’intérieur en espérant recevoir une Quechua à Noël, tout en priant pour que Mère Nature, dans son infinie sagesse, veuille bien nous épargner pendant quelques heures au moins ses douces averses d’été dont elles nous arrosaient depuis un début de soirée orageux.

A 11 heures, je me suis levé avec une gueule de bois carabinée et j’ai zoné comme un zombie à la Romero (puisque il faut bien parler un peu de cinéma dans cet article) dans les rues pleines de touristes et de cinéphiles, et j’ai pris le train pour rentrer et surtout dormir encore un peu sur les banquettes, bercé par le roulis mécanique des rails.

Bon, maintenant que tu as eu le courage de me lire jusqu’au bout, entre nous, je peux t’avouer que je n'ai pas vu un seul film. Mais peu importe, j'ai passé une soirée épique et surtout j'ai acheté des tongs léopard, les même que celles que le machiavélique dada m'avait offert il y a quelques années. Mais ça, c'est une autre histoire, et je crois que je t’ai suffisamment fait chier avec ma vie d’errance. Ciao amico !



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